T comme Théâtre
BLOG Marie-Anne Lorgé
7 juillet 2023
Le temps du bivouac
Cette fois, au lever de rideau, on y est…
Depuis ce 5 juillet jusqu’au 25/07, Avignon se transforme en ville-théâtre, c’est aussi étourdissant qu’étouffant. Mais c’est unique. C’est en tout cas l’occasion de voir, d’écouter, de se frotter à des artistes… vivants. En chair et en os. Eh oui, point d’hologrammes, pas de robots non plus, mais des histoires incarnées, des émotions et sensations livrées/partagées par les yeux, la peau, les corps.
Parmi les centaines de spectacles répartis entre le In et le Off, je vous confie une pépite (extraite de la sélection luxembourgeoise). Conçue par Isabelle Bonillo, une comédienne pas comme les autres, hors institution et hors format, une roue aussi libre qu’obstinée, une inventive équilibriste entre goût textuel et besoin de convier le public à une expérience. En fait, Isabelle, pour qui le théâtre est un mode à vivre et qui le délivre avec ses tripes, souvent avec les moyens du bord, s’attaque à un monument: Victor Hugo, précisément à ses Misérables, parce que ce classique que l’on croit connaître (généralement relégué sur l’étagère de sa bibliothèque) est une véritable caisse de résonance de notre actualité. C’est donc ce que la bateleuse Bonillo, habillée comme un lutin bleu, démontre avec brio, humour aussi, en traversant les 1.700 pages en 1h15 – sans rien brader –, seule, agrippée à son accordéon (visuel ci-dessus ©Fred Burnier).
Seule ? Oui, mais en distribuant les rôles aux spectateurs, leur demandant de la rejoindre sur scène en devenant Gavroche, Jean ValJean, les Thénardier, Cosette, le colonel Javert, et j’en passe des meilleurs et des moins bons. Finalement, Les Misérables, c’est nous, et la somme hugolienne s’avère parfaitement digeste, et le théâtre, par la proximité, l’adresse directe, l’interaction, la participation collective, devient une affaire ludique. Pas de raccourci ni de simplisme pour autant, le spectacle nous concerne en nous intégrant activement, et pour ne rien gâcher, c’est rigolo.
Isabelle bataille avec les majuscules –- le L de littérature, le T de théâtre – qu’elle pétrit jusqu’à la farine essentielle. Les Misérables n’est pas son coup d’essai, en 2018, «son» Shakespeare avec sa Tempête avait déjà unanimement rallié/séduit public et professionnels. Et puis, «la» Bonillo est une habituée d’Avignon, rompue à l’exercice de déroutage du spectateur, festivalier avisé ou quidam venu là par hasard (ils sont d’ailleurs des milliers du genre, aiguillonnés dans les rues avignonnaises par un dard qu’ils ne soupçonnaient même pas).
Les Misérables de Victor Hugo dans la version d’Isabelle Bonillo, ça ne se rate sous aucun prétexte… dans le Off, à l’Espace Saint-Martial, du 7 au 29 juillet, à 11.35h (relâche les 9, 16 et 23 juillet).
Pour le tableau complet de la sélection du Luxembourg dans le Off d’Avignon, notez Petit frère – La grande histoire Aznavour, avec Laure Roldàn (du 7 au 25/07, 19.45h, à la Caserne des pompiers), HEAR EYES MOVE. Dances with Ligeti, chorégraphie d’Elisabeth Schilling (du 10 au 20/07, 21.15h, aux Hivernales – CDCN d’Avignon), Les Crabes de Roland Dubillard, dans une mise en scène de Frank Hoffmann (du 7 au 29/07, les je, ve, sa et di, 19.15h, au Théâtre du Chêne Noir). Ainsi que 2 coproductions luxembourgeoises dans le In: Extinction d’après Thomas Bernhard et une mise en scène (de 5 heures) de Julien Gosselin (du 7 au 12/07, 21.30h, Cour du lycée Saint-Joseph) et The Confessions d’Alexander Zeldin (du 17 au 23/07, 16.00h, à La FabricA).
MARIE-ANNE LORGE
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Merci à Marie-Anne pour ces belles lignes!co 🐾